Si je vous parle de la saison 2008 de Formule 1, vous m’évoquerez bien sûr le titre remporté dans le dernier tour par Lewis Hamilton lors du Grand Prix du Brésil, le Crashgate des Renault à Singapour qui a ensuite mené à l’arrêt au stand calamiteux de Felipe Massa, ou peut-être encore l’abandon de ce même Felipe Massa lors du Grand Prix de Hongrie, alors qu’il menait à trois tours de l’arrivée.
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Mais je suis prêt à vous parier que personne ou presque ne se souvient de la victoire de ce même Felipe Massa lors du Grand Prix de Belgique, sur le Circuit de Spa-Francorchamps. C’est donc de cela que l’on va parler aujourd’hui, la victoire de Massa passée complètement inaperçue, et vous comprendrez bien pourquoi…
Dernière saison avant un grand chambardement réglementaire prévu pour 2009, la saison 2008 tient toutes ses promesses lorsque le paddock arrive en Belgique pour le 13e Grand Prix de la saison, prévu le 7 septembre. Lewis Hamilton, pilote McLaren, mène le championnat du monde avec six points d’avance sur la Ferrari de Felipe Massa, à une époque où la victoire valait 10 unités. Kimi Räikkönen, le champion du monde en titre lui aussi sur Ferrari, est troisième à 13 points de Hamilton.
Lors des qualifications, les deux prétendants au titre principaux se retrouvent sur la première ligne de la grille de départ, Hamilton décrochant la pole position avec 3 dixièmes d’avance sur Massa. Leurs deux équipiers, Heikki Kovalainen et Kimi Räikkönen, suivent en deuxième ligne.
Le jour de la course, une fois n’est pas coutume, il pleut sur Spa-Francorchamps ! Les averses se calment toutefois avant le départ, mais la piste est encore assez humide. Tous les pilotes optent tout de même pour un train de gommes pour piste sèche, Nelson Piquet étant le seul à chausser des pneus durs, tous les autres partant en tendres.
Comme attendu, le départ est difficile pour tous les acteurs, soumis à beaucoup de patinage malgré des gommes rainurées, et donc plus adaptées à ces conditions que les pneus slicks d’aujourd’hui. Hamilton s’extrait de la Source en tête devant Massa, mais très vite c’est Räikkönen qui va prendre la deuxième position, en dépassant son équipier au sommet de la montée de Kemmel.
La course va alors se résumer en un mano à mano entre Hamilton et Räikkönen, vainqueur des trois derniers Grands Prix disputés à Spa-Francorchamps. Profitant de son meilleur rythme en gommes tendres, le champion du monde en titre va s’emparer des commandes, jusqu’au moment d’entamer les trois derniers tours de piste…
Car c’est à ce moment précis que la pluie décide de refaire son apparition ! L’avance de Räikkönen fond comme neige au soleil, la McLaren se montrant plus rapide dans des conditions difficiles. Hamilton attaque par l’extérieur dans la dernière chicane, au 42e des 44 tours de piste.
Le Britannique va alors court-circuiter la deuxième courbe de la chicane, il ressort devant le Finlandais mais il le laisse immédiatement repasser.
C’est donc Räikkönen qui mène à deux tours de l’arrivée, mais il est immédiatement repassé par Hamilton au premier virage ! Les deux pilotes passent tout un tour sur des œufs, la pluie redoublant d’intensité, mais il nous offrent surtout un magnifique spectacle, se passant et se repassant sans cesse.
A la sortie du virage de Blanchimont, Räikkönen poursuit Hamilton alors que nous arrivons à l’aube du dernier tour. Mais le pilote Ferrari sort large, sur une portion plus humide, perd le contrôle et vient frapper le mur à l’intérieur, laissant le chemin libre à Lewis Hamilton pour aller s’imposer lors de ce Grand Prix de Belgique.
Le Britannique se fera quelques frayeurs dans le dernier tour, notamment au Raidillon, mais il franchit bien la ligne d’arrivé en vainqueur, 14 secondes et 4 dixièmes devant son rival au championnat, Felipe Massa. Chez McLaren, on exulte devant cette formidable performance qui permet également à Hamilton de prendre deux points d’avance supplémentaire au championnat.
La pénalité de la discorde
Seulement, deux heures après la fin du Grand Prix, les commissaires sportifs décident d’infliger une pénalité de drive-through à Lewis Hamilton pour avoir court-circuité une chicane et gagné un avantage. Comme le veut le règlement, la pénalité a alors été transformée en 25 secondes, rajoutées sur le temps du pilote, et permettant ainsi à Felipe Massa de remporter le Grand Prix de Belgique, devant Nick Heidfeld sur sa BMW-Sauber, et Lewis Hamilton.
Alors que les images montrent Hamilton laissant repasser Räikkönen, les commissaires ont estimé que le Britannique n’aurait jamais été en position de pouvoir directement attaquer le Finlandais à la première épingle s’il n’avait pas coupé la chicane. C’est ainsi qu’ils ont décidé de donner une pénalité, directement contestée par McLaren qui a décidé de faire appel. Les résultats restaient donc provisoires jusqu’au 22 septembre. Entre les deux, le Grand Prix d’Italie à Monza était l’occasion pour bon nombre de pilotes, actuels ou retraités, de donner leur avis sur l’incident.
Si Jarno Trulli, pilote Toyota, et Sébastien Bourdais, pilote Toro Rosso, étaient plutôt en faveur d’une pénalité, quoique possiblement moins forte, l’ancien triple champion du monde Niki Lauda était lui totalement furieux vis-à-vis des commissaires qui ont pris la décision.
« C’est incroyable que le meilleur pilote de la course de dimanche ne fasse aucune erreur et ne reparte qu’avec six points », a-t-il déclaré avant de poursuivre : « C’est le pire jugement de l’histoire de la Formule 1. C’est absolument inacceptable que trois commissaires puissent influencer l’issue du championnat comme cela. »
Si l’Autrichien parlait là avec la ferveur qu’on lui connaissait bien, il levait un point, repris par beaucoup d’observateurs et d’anciens pilotes comme Jackie Stewart, lui aussi triple champion du monde, et qui appelait à la formation d’un collège des commissaires sportifs permanent.
Car en 2008, l’incohérence des décisions des commissaires, un panel de trois personnes changeant à chaque épreuve, était très régulièrement pointée du doigt pour divers incidents. La pénalité de Lewis Hamilton au Grand Prix de Belgique lui ayant fait perdre une éclatante victoire, c’était là l’occasion parfaite de lancer le débat. Un débat qui n’aura pas pris fin suite à la décision le 22 septembre de la FIA de rejeter l’appel de McLaren, entérinant donc définitivement la victoire de Felipe Massa.
La FIA a tout de même clarifié sa règle concernant les limites de piste dans les chicanes, les pilotes devant désormais attendre au moins un virage supplémentaire avant d’attaquer leur concurrent, s’ils ont gagné précédemment un avantage.
Quinze ans plus tard, les choses ont-elles changé ? Si Jean Todt, élu président de la FIA en 2009, a intégré un ancien pilote de Formule 1 parmi les commissaires de chaque Grand Prix, il n’y a toujours pas de panel permanent, et les critiques vis-à-vis des commissaires et de la direction de course sont plus fortes que jamais. Une preuve de plus que la Formule 1 n’est finalement qu’un éternel recommencement…
Sacré champion du monde pour la première fois en 2008, Lewis Hamilton ajoutera six autres couronnes mondiales à son palmarès, et est depuis devenu le pilote ayant enregistré le plus grand nombre de victoires et de pole positions dans l’histoire de la Formule 1. Il pilote toujours, chez Mercedes.
Deuxième du championnat 2008, Felipe Massa sera victime d’un grave accident lors des qualifications du Grand Prix de Hongrie 2009. Il fera son retour en 2010, toujours chez Ferrari, avant de partir chez Williams en 2014 et de prendre sa retraite fin 2017, avec 11 victoires et 16 pole positions à son actif.
Kimi Räikkönen n’obtiendra pas de nouveau titre mondial, mais après une pause de deux ans sans Formule 1 en 2010 et 2011, il reviendra au volant en 2012, remportant ensuite trois victoires et atteignant le record du nombre de Grands Prix disputés 350, jusqu’à sa retraite fin 2021. Le record a depuis été battu par Fernando Alonso.
